La voix du Bon Berger (Homélie 4° dim. Pâques)

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques (année C) : Ac 13, 14.43-52 ; Ps 99 (100) ; Ap 7, 9.14b-17 ; Jn 10, 27-30

« Mes brebis écoutent ma voix … » : la voix du Bon Berger, c’est sa présence intime et singulière, ce qui fonde la relation la plus profonde avec Jésus. A l’audition de sa voix, les brebis suivent celui qui les connaît chacune personnellement. Quel mystère en effet que la voix ! Konrad Lorenz parlait aux œufs d’oiseaux sauvages durant leur incubation ; à l’éclosion, les oisillons le suivaient spontanément comme ils l’auraient fait pour leur propre mère. Chez l’être humain, le fœtus mémorise la voix de sa mère à partir du septième mois de gestation. La voix humaine est un principe d’identification de la personne, car elle est absolument singulière pour chacun. Pouvoir reconnaître quelqu’un au son de sa voix témoigne déjà d’une vraie relation. La voix est exclusivement l’expression d’une personne, tandis que la parole est aussi au service de la communication sociale avec ce qu’elle comporte d’impersonnel. La parole en effet utilise un vocabulaire commun à tous ceux qui parlent une même langue. En cela, elle ne permet jamais d’exprimer pleinement une expérience personnelle, car elle doit user de mots en eux-mêmes impersonnels. La voix, en revanche, confère à la parole cette dimension intime et personnelle. Elle est comme la chair de la parole, la présence vive de l’autre et sa révélation. C’est pourquoi l’évangéliste Jean distingue dans le processus d’accès à la foi, l’adhésion à la Parole de Jésus de l’écoute de sa voix. Le Prologue de son Évangile annonce le mystère de la Parole de Dieu, qui s’est faite chair. Croire au Christ, c’est croire qu’il est par sa vie, sa mort et sa résurrection la révélation ultime et définitive de Dieu, sa Parole communiquée aux hommes. Cette Parole créatrice est envoyée dans le monde pour réaliser l’œuvre de Dieu : elle est la main du Père. Jésus, Verbe fait chair, ne fait qu’un avec le Père, non pas au sens où il se confondrait avec lui, mais parce qu’il accomplit l’œuvre du Père : il a le pouvoir de réconcilier le monde avec Dieu et de rendre les hommes participants de sa communion avec le Père. Le croyant accueille cette œuvre de Dieu en reconnaissant en Jésus l’Envoyé du Père, la Parole de Dieu, qui s’est faite chair jusqu’au don de sa vie. Cette adhésion de foi introduit alors à une relation personnelle avec Jésus, qui ne s’arrête pas à l’accueil de sa Parole, mais conduit à l’écoute de sa voix. Cette écoute est présence à celui que sa voix révèle en son mystère proprement divin. Cette voix est audible parce que le Verbe s’est fait chair. Plus que pour tout autre, la voix du Christ est la chair de sa Parole, la manifestation de la présence avec nous de celui qui est vivant auprès du Père. Marie-Madeleine a reconnu le ressuscité à sa voix lorsque celui-ci a prononcé son nom. Elle a perçu qu’elle était ainsi rejointe par celui qui la connaissait comme Dieu seul peut connaître : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais … »

Nous entendons cette voix du Seigneur ressuscité dans le silence de la foi ; cette voix de fin silence nous met en relation vivante avec lui. Cette voix est silencieuse, mais son silence est celui de la présence par excellence. Elle nous donne de le connaître au sens biblique du terme, c’est-à-dire d’être en relation intime avec Jésus. Nous le connaissons ainsi en vérité comme celui qui demeure l’inconnaissable par-delà toutes les images, les idées ou les représentations que nous avons de lui. Nous le connaissons comme celui qui nous connaît mieux que nous-mêmes. Nous le connaissons à travers ce que sa présence éveille en nous : une irrésistible attirance du cœur, un désir d’appartenance et de don de soi, un abandon de tout l’être dans une absolue confiance. « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais et elles me suivent … » Écouter la voix du Bon Berger, c’est en définitive le suivre ; c’est vivre toutes choses par lui, avec lui et en lui. C’est se laisser guider par sa voix qui nous établit dans une confiance totale, car il est la vie de notre âme, le pardon de nos péchés, la révélation de l’Amour. Vivre de sa vie, c’est écouter cette voix intérieure qui s’adresse à chacun de nous, moins pour nous dire quelque chose, que pour nous révéler combien nous sommes uniques dans le Cœur du Père. Entendre sa voix, c’est enfin rendre grâce en Église à celui qui nous rassemble et nous garde en sa main aujourd’hui et pour toujours.

Fr. Olivier-Marie Rousseau, ocd - ([https://www.carmes-paris.org/un-couvent-a-paris/])
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