La vie fraternelle

I - La vie Fraternelle

Nous vivons dans un monde où la communication a une place prépondérante. Mais au delà des échanges d’informations, prenons-nous encore le temps de nous rencontrer ?

En découvrant progressivement le regard que Dieu porte sur chacun de nous, la spiritualité carmélitaine nous invite à ne pas vivre en individus isolés, mais à tisser des relations entre des personnes qui ont du prix aux yeux de Dieu.

Ces relations constituent la trame d’une vie fraternelle qui se réalise diversement selon les engagements de chacun. Elles expriment cette dimension importante de l’être humain : vivre en communion avec les autres.

Contre toutes formes d’exclusion, de rejet ou de condamnation, nous apprenons ainsi à nous accueillir, à nous aider les uns les autres dans notre vie, à nous pardonner mutuellement afin de reconnaître en chacun l’image et la ressemblance de Dieu.

II - Le témoignage d’une sœur carmélite

Chaque carmélite, comme tout être humain, a son histoire et le Seigneur appelle chacune à travers des itinéraires très différents, bien que ce soit pour vivre une même vocation : l’appel demeure toujours très personnel. Certaines, parce qu’elles portaient un désir missionnaire, ont compris que le Seigneur leur demandait de le vivre dans une vie cachée, enfouie pour le réaliser pleinement. D’autres qui pensaient surtout à une vie toute d’intimité et de contemplation, ont été amenées à élargir leur regard et leur cœur aux dimensions du monde. En définitive, c’est le Seigneur qui nous éduque et nous fait découvrir peu à peu la plénitude de notre appel au Carmel et c’est Lui qui fait grandir ce qui n’était qu’à l’état de germe. Cette expérience, je l’ai faite en entrant au Carmel. L’idée d’être missionnaire ne m’avait jamais effleurée. J’ignorais aussi que le Carmel était missionnaire d’une façon cachée, mais si profonde. La vie contemplative m’attirait : c’était l’intimité du Seigneur que je recherchais, dont j’avais soif surtout : le connaître et demeurer avec Lui. Pourtant, ce n’était pas indifférence à l’égard de la société, ni refus du monde - j’aimais intensément la vie - ni égoïsme que ce besoin, inscrit dans notre être, celui de vivre la plénitude de l’Amour.

Sans l’amour, la vie n’a aucun sens. Désirant l’Amour aussi passionnément que je goûtais à la vie, étant faite, comme tout être humain, pour aimer, rien cependant ni personne ne parvenait à combler cet abîme que je portais en moi. C’est ainsi que le Seigneur m’a fait comprendre que cette plénitude, Lui seul pouvait me la donner, que je ne la trouverais qu’en lui. Dieu m’attirait d’abord parce que Lui seul pouvait éteindre ce feu qu’Il avait allumé en moi et qui me dévorait.

De même que Moïse fut d’abord attiré par le Buisson ardent qui ne se consumait pas et s’est approché pour voir, de même Dieu m’a d’abord attirée à Lui par son feu. Ce n’est qu’ensuite, lorsque Moïse eut compris que ce feu, c’était Dieu, qu’il a pu recevoir la mission de conduire le peuple à travers le désert. Et ce n’est aussi que plus tard, au Carmel, que j’ai compris la mission que comportait cette suite du Christ.

Se lier au Christ, ce n’est pas jouir égoïstement d’une intimité, mais c’est coopérer totalement à la Mission de Celui qui nous appelle, c’est adhérer à son œuvre : faire connaître le Nom du Père aux hommes.

Cependant cette soif d’amour qui m’habitait, me faisait ressentir de manière aiguë tout ce qui n’était pas amour dans le monde où je vivais, surtout la souffrance et le mal autour de moi vis à vis desquels je sentais ma radicale impuissance, et cela me brûlait aussi. J’aurais voulu agir, et je sentais que toute action était une goutte d’eau perdue dans l’immensité de l’océan. Cela ne pouvait me suffire, cela ne pouvait m’apaiser, il me fallait trouver un moyen plus efficace. La prière alors m’est apparue comme le levier, le seul à ma portée, avec lequel je pourrais changer quelque chose en ce monde.

La racine du péché se trouve dans le cœur de l’homme et c’est là, me semblait-il, qu’il fallait d’abord agir. La seule solution véritable, c’était de transformer les cœurs, de les convertir à l’Amour. Mais qui peut changer le cœur des hommes, sinon Dieu ? M’enfouir et prier, prier de toutes mes forces, de tout mon être pour tous ceux que j’aimais et qui ne croyaient pas, pour tous ceux qui luttaient dans la nuit, tous ceux qui souffraient et ne connaissaient pas Dieu, tous ceux qui ne savaient pas que Lui, Dieu, était le Salut, la Joie, l’Amour, et qu’en Lui tous seraient rassasiés et désaltérés. Ma vocation peu à peu s’élargissait, et c’est Lui, le Seigneur, qui me mettait au cœur ce besoin intense de le faire connaître, Lui, le Chemin, la Vérité, la Vie, Lui l’Amour.

Nul ne peut le contenir l’infini de l’Amour. Dieu qui avait ouvert en moi un gouffre, avait fait éclater mes petites limites. Ce trésor qu’Il m’avait d’abord révélé, cette eau vive qu’Il m’avait fait goûter, Il me demandait de les partager, d’ouvrir cet infini au monde. N’ayant rien, c’est de Lui seul que je reçois tout. Et pour pouvoir donner, il faut ces longues heures de rencontre avec Lui dans le silence et la solitude. Nous ne pouvons avoir de mission sans ce ressourcement continuel. Alors seulement, quelque chose qui vient de Lui peut nous traverser.

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