Homélie Le Baptême du Seigneur - 10/01/21

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Is 55, 1-11 ; Is 12, 2, 4bcd, 5-6 ; 1 Jn 5, 1-9 ; Mc 1, 7-11

Il a fallu trente années pour que le Fils de Dieu apprenne son métier d’homme à l’école de Marie et de Joseph. Il a fallu trois années pour que le fils de l’homme assume jusqu’à la mort de la Croix sa mission de Fils de Dieu. Le baptême par Jean est le point de bascule entre ces deux axes de la vie de Jésus : cependant, en quittant ses parents pour recevoir ce baptême, Jésus demeure sur un chemin de filiation. Il renonce à inaugurer lui-même son propre ministère, pour le recevoir d’un autre. Il s’inscrit dans la généalogie prophétique en reconnaissant en Jean-Baptiste celui qu’annonçait le prophète Isaïe. Jésus est fils jusqu’au bout des ongles. « Fils », c’est son nom propre en tant que Fils de Dieu, mais aussi en tant que fils d’homme, ainsi qu’il se désigne lui-même durant son ministère public. Le baptême de Jésus est le point de jonction entre une filiation vécue au plan humain à l’égard de Jean le Baptiste en tant que prophète et une filiation divine attestée d’une manière inouïe par la voix de Dieu en personne.

Nous connaissons une grave crise de civilisation. Certains parlent même d’une fin de civilisation ! En tout cas, c’est la fin de ce que l’on a appelé la modernité, cette période de l’histoire qui correspond à l’émergence du sujet libre et autonome. Ce qui fut en soi un progrès s’est accompagné d’une rupture de transmission. Être moderne est devenu synonyme de contestation des traditions en vue de pouvoir construire par soi-même sa propre vie. Il s’en est suivi un effacement de la fonction paternelle au point que toute forme de transmission, y compris celle de la vie, est devenue aujourd’hui problématique : les moyens de procréation artificielle peuvent remettre en cause le droit fondamental à naître d’un homme et d’une femme, à être fils ou fille d’un tel et d’une telle. Ainsi, le salut apporté par Jésus-Christ est-il plus que jamais d’actualité, lui qui concerne précisément notre filiation. Lorsque Dieu lui-même s’adresse à Jésus en le tutoyant pour lui déclarer : «  Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. », il exprime une reconnaissance de filiation, mais aussi de paternité. Il manifeste son amour de Père pour ce Fils bien-aimé, en qui il trouve sa joie, sans exiger quoique ce soit en retour. Bien au contraire, il lui manifeste la gratuité de son amour par le don de l’Esprit Saint. Jésus se trouve dans l’incapacité de donner une réponse à cette voix divine, qui atteste une origine au-delà de tout mot. Il reste sans parole, mais toute son existence se joue dans sa manière d’assumer cette filiation comme en témoignera l’épisode de la tentation au désert. Il garde le silence jusqu’au moment où il assume cette Parole lors de sa Passion en réponse au Grand Prêtre, qui lui demande : « Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? » Jésus déclare alors solennellement : « Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. » (14,61b-62) La plongée de Jésus dans l’eau est une préfiguration de sa mort et de sa résurrection, mais aussi le signe de son consentement à sa filiation inséparablement divine et humaine.

Nous avons nous aussi, frères et sœurs, à choisir d’être fils et filles quoiqu’il en ait été des heurs et des malheurs de notre filiation humaine. Le devoir d’honorer nos parents peut demander parfois une véritable réconciliation avec notre histoire, mais cela est toujours possible dès lors que nous avons découvert dans le Christ notre filiation divine. Notre baptême est précisément une grâce de filiation à l’égard du Dieu et Père de Jésus-Christ de qui vient toute paternité au ciel et sur la terre (Ep 3,14). Pour accueillir en profondeur cette grâce, nous devons redevenir comme des enfants et vivre notre filiation à la lumière de l’amour inconditionnel du Père. L’Esprit d’amour nous est donné pour que nous puissions suivre pour cela Jésus dans son obéissance filiale. Jésus a appris cette obéissance à l’école de Marie et de Joseph. En cette année consacrée à Joseph, choisissons comme père spirituel celui qui a reçu pour mission d’exercer la paternité à l’égard du Fils de Dieu. Joseph, le Juste, a vécu cette paternité dans une obéissance parfaite à Dieu, de sorte qu’en obéissant à Joseph, Jésus obéissait à Dieu. Être père ou mère de quelque manière que ce soit, c’est toujours une grâce à recevoir dans l’obéissance filiale envers Dieu. Demandons cette grâce à Saint Joseph, car Jésus ne peut rien refuser au ciel à celui à qui il a obéi avec tant d’amour sur la terre.

Fr.Olivier-Marie, ocd - (couvent d’Avon)
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