Homélie 2e dim. Avent (B) : la grâce d’une profonde conversion

donnée au Carmel d’Angers

2e Dimanche de l’Avent (Année B)

Textes liturgiques : Is 40, 1-5.9-11 ; 2 P 3, 8-14 ; Mc 1, 1-8.

En ce deuxième dimanche du temps de l’Avent, la liturgie nous fait ouvrir l’évangile selon saint Marc, qui commence par ces mots : « Commencement de l’évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu » (Mc 1, 1). Et curieusement, pas un mot ne sera dit de « Jésus-Christ » dans cet évangile. Saint Marc annonce, puis nous laisse comme en attente, pour creuser en nous un désir… N’est-ce pas là, une des caractéristiques de ce temps de l’Avent : attendre, désirer la révélation du Fils de Dieu, sa venue dans notre chair ? Marc reprend la parole du prophète Isaïe que nous avons entendue en première lecture et il l’applique à Jean le Baptiste qui « parut dans le désert » (Mc 1,4). Dans le désert, Jean « proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés » (Mc 1, 4). Quelle chose étrange ! Jean prêche dans le désert… Nous avons ce que signifie cette expression dans le langage courant… Jean prêche dans le désert, mais il prêche « un baptême de conversion ».

Cela nous renvoie à une autre parole de l’Écriture, celle du prophète Osée : « Mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur » (Os 2,16). Le désert est le lieu du dépouillement, le lieu d’un décentrement de soi, le lieu d’une conversion, le lieu d’une intimité retrouvée avec le Seigneur. Se convertir, n’est-ce pas se quitter des yeux, se décentrer de soi, pour laisser place à Dieu ? C’est l’œuvre de l’Esprit Saint en nous. Jean prêche dans le désert, mais ce désert est abondement peuplé : « Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés » (Mc 1, 5).

« Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture autour des reins » (Mc 1, 6). Ce n’est pas par souci du détail concret que Marc nous décrit de vêtement de Jean le Baptiste ! Il est ainsi présenté comme un prophète, peut-être même comme le nouvel Élie, puisqu’il est dit au deuxième Livre des Rois : « C’était un homme portant un vêtement de poils et une ceinture de cuir autour des reins » (II R 1, 8).

Marc poursuit : « Il se nourrissait des sauterelles et de miel sauvage  » (Mc 1, 6). Les sauterelles nous rappellent la huitième plaie d’Égypte (Ex 10) ; cela nous renvoie au temps de l’esclavage en Égypte et de la libération accomplie par le Seigneur. La Bible de Jérusalem donne comme inter-titre au deuxième chapitre du livre du prophète Joël : « les sauterelles annoncent le jour du Seigneur  » (Jl 2). Le « miel sauvage », nous rappelle la promesse du Seigneur de conduire son peuple « vers un pays ruisselant de lait et de miel » (Ex 3, 8). Par son être, par sa nourriture, Jean le Baptiste annonce un chemin de conversion, un chemin qui nous conduit de l’esclavage à la liberté, de l’asservissement à la terre promise. Il nous invite en ce deuxième dimanche de l’Avent à passer sur l’autre rive, à traverser nos propres mers des joncs, à traverser nos déserts, pour passer de la captivité à la liberté, pour vivre la conversion qui nous fera passer de nous-mêmes au Christ Jésus, notre Sauveur…

Oui nous sommes invités à passer, à vivre d’une certaine manière un passage de la mort à la vie, à vivre le Mystère Pascal. C’est bien cela qu’évoque l’apôtre Pierre dans la seconde lecture de ce jour. Il nous parle de notre conversion, espérée par le Seigneur (2 P 3, 9) ; il évoque la disparition des cieux et l’avènement d’un monde nouveau (2 P 3, 10-13). Ce texte nous fait songer à la devise des chartreux : «  Stat Crux, dum volvitur orbis  », (La Croix est debout, elle demeure, alors que le monde tourne et s’évanouit). Admirable concision du latin ! « Stat », c’est se tenir debout, mais c’est également durer dans le temps. La croix se dresse et perdure comme signe de Salut pour l’humanité au cours du temps. « Volvitur », c’est tourner, mais c’est aussi disparaître peu à peu, s’évanouir… Le monde s’étourdit et disparaît. L’apôtre Pierre nous invite à croire aux promesses de Dieu et à attendre leur accomplissement. Comme Jean le Baptiste, il nous invite à la conversion : « Vivez dans la sainteté et la piété  » (2 P 3, 11). Il insiste : « Faites tout pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix  » (2 P 3, 14).

Qu’en est-il, frères et sœurs, de notre conversion, de notre enracinement dans le mystère pascal, de notre attachement au Christ Jésus ? Nous avons été baptisés dans l’eau et l’Esprit Saint, (cf. Mc 1, 8), comme l’annonçait Jean le Baptiste. Par notre baptême, nous avons été plongés dans le mystère pascal du Christ Jésus… Comment cette réalité vient informer nos vies, notre être dans le quotidien ?

Jean annonce Celui qui vient derrière lui, il affirme « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi » (Mc 1, 7). Avec Jean, croyons en la puissance du Christ Jésus qui peut accomplir en nous son œuvre, qui peut venir à bout de tout ce qui nargue nos propres forces. La conversion véritable consiste à se décentrer de soi pour laisser le Christ accomplir l’œuvre de Dieu en nous.

Jean poursuit en disant : « Je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales » (Mc 1, 7). Que veut-il exprimer par cela ? Avec audace, et sans prétendre à une explication exégétique, mais avec la liberté d’interprétation chère aux Pères de l’Église, peut-on peut-être se souvenir de la tradition du lévirat (cf. Dt 25, 5-10). Lorsqu’un homme marié mourrait sans laisser d’enfant, son frère devait épouser sa veuve. Toutefois, il pouvait refuser de le faire. Sa belle-sœur devait alors lui retirer sa sandale. Et pour se faire il fallait bien en dénouer la courroie. Cette parole de Jean-Baptiste, je l’entends raisonner comme l’alliance que le Christ Jésus est venu nouer avec l’humanité et avec chacun, chacune de nous, de manière personnelle par la grâce du baptême. Et le prophète, le nouvel Élie, qu’est Jean le Baptiste indique qu’il ne veut pas se substituer à l’Époux ; il n’est que l’ami de l’Époux…

Alors en ce deuxième dimanche de l’Avent, Frères et Sœurs, laissons résonner en nos cœurs, en tout notre être, l’appel de Jean le Baptiste. Demandons les uns pour les autres, la grâce d’une vraie et profonde conversion. Décentrons-nous de nous-même. Créons en nous, un vide, un espace, où pourra naître Celui qui vient et que nous attendons. Préparons-nous à être nous-mêmes, le lieu où, à Noël, s’incarnera le Fils de Dieu.

Amen.

Fr. Didier-Marie GOLAY ocd (Couvent de Lisieux)
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