7e Dimanche de Pâques ; Jean17,1-11

« J’ai achevé l’œuvre »

« L’heure est venue », dit Jésus ; et son discours d’adieu se transforme en prière.

L’heure de la passion glorifiante va commencer. Désormais Jésus ne sera plus dans le monde, et dès lors prendra fin le mode habituel de sa présence. Tout ce que les disciples « ont vu, entendu, touché du verbe de vie » (1 Jn 1,2), tout cela, éclairé par l’Esprit Paraclet, continuera de nourrir leur foi et leur espérance ; mais ils ne connaîtront plus le Christ « selon la chair », selon leurs approches limitées et coutumières, et devront le rejoindre sous les signes de l’absence.

Avant de quitter ce monde pour aller au Père, Jésus embrasse du regard toute sa vie, et la résume en quatre phrases : Père, je t’ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donné à faire, j’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés, je leur ai donné les paroles que tu m’as données.

Tout, dans la vie de Jésus, a glorifié le Père, les trente ans de Nazareth comme les quelques années intenses du ministère public. Un seul projet l’habitait : achever l’œuvre du Père, manifester son nom, c’est-à-dire dévoiler l’être de Dieu à partir de son action. Si bien que l’œuvre de Jésus sur terre a culminé dans sa mission de révélateur : il a donné aux hommes la parole reçue du Père. C’est la fidélité à cette mission qui a concentré sur lui toute la haine du monde et qui l’a amené jusqu’au procès et jusqu’à la croix.

À l’imitation du Christ sauveur, notre pèlerinage sur terre n’a qu’un but : glorifier le Père en portant du fruit, le fruit caché du silence de notre Nazareth, le fruit tangible de notre témoignage, le fruit plus douloureux de nos épreuves dans la prière ou dans la disponibilité à l’Église.

Deux visées sont inséparables, dans notre vie comme dans le projet de Jésus : la gloire du Père et le salut du monde. Notre mère sainte Thérèse a eu de cela une conscience de plus en plus vive, et elle n’a cessé de rappeler à la fois l’urgence d’une vraie gratuité contemplative et l’impact apostolique de toute vie de prière.

L’œuvre que Dieu nous confie et qu’il nous faut achever est faite, au Carmel, à la fois de silence et de parole. Notre retrait du monde et notre souci du monde manifestent tous deux le nom du Père ; ils grandissent tous deux en même temps que notre identification au Christ et à la mesure de notre amour pour lui.

Mais seul l’Esprit Saint peut unifier notre cœur dans la réponse à ce double appel, lui qui est maître des temps, des désirs et des rythmes. C’est lui que nous appelons comme la force de cohésion et d’élan de l’Église. C’est lui qui veut mener chacun à la vérité tout entière et qui veut nous prendre tous sous son ombre.

Pour glorifier le Père, pour entrer dans l’œuvre du Fils, un seul réflexe peut suffire, que les hommes du grand siècle avaient si bien saisi : « se laisser à l’Esprit ».

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

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