5e Dimanche de Pâques ; Jean 13,31-34

« Comme je vous ai aimés »

Ces quelques versets de l’Évangile de Jean constituent le début du testament spirituel de Jésus au soir du Jeudi-Saint. Judas vient de sortir et de s’enfoncer dans la nuit, la nuit du refus, de la trahison et de la tristesse, et c’est le moment que Jésus choisit pour parler à cœur ouvert.

Il explique successivement à ses disciples que le Père va le glorifier, que cette glorification suppose son retour auprès du Père, donc son départ, et qu’il nous laisse, comme gage de son amitié, un commandement nouveau.

« Maintenant le Fils de l’Homme a été glorifié », dit Jésus. Ce moment dont parle Jésus est beaucoup plus large et significatif que les quelques minutes du départ de Judas. « Maintenant », c’est l’Heure de Jésus, l’heure à laquelle il se référait si souvent, « l’heure de passer de ce monde à son Père », l’heure d’affronter par amour la souffrance et la mort et d’être exalté par la puissance du Père. Ce tournant dans le destin du Christ, c’est la passion glorifiante, dont le départ de Judas vient de donner le signal. Maintenant le Père va être glorifié, parce que son Fils va lui dire tout son amour, en aimant les hommes jusqu’à l’extrême. Maintenant, bientôt, au-delà de la mort, le Père accueillera son Fils dans sa propre gloire.

L’envers de cette gloire, l’envers pour nous, c’est que Jésus victorieux va être soustrait à notre regard. Désormais il faudra croire sans voir, croire sans avoir vu : « Mes petits enfants, dit Jésus avec une sorte de tendresse, je ne suis plus avec vous que pour peu de temps. Là où je vais, vous ne pouvez venir ». En tout cas, pas tout de suite , comme Jésus l’explique à Pierre.

Cependant un lien vivant et bien tangible va demeurer entre lui et nous : « Je vous donne, dit Jésus, un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres ». Mais en quoi ce commandement est-il nouveau ? Déjà, dans le Lévitique, Dieu ordonnait : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19,18). Où est, ici, la nouveauté ?

Tout d’abord le commandement de Jésus est nouveau parce qu’il est lié à l’alliance nouvelle. Dans la Bible, qui dit commandement, dit alliance, c’est-à-dire réciprocité entre Dieu et son peuple ; et de même que les dix commandements de Dieu étaient la traduction d’une première alliance au Sinaï, le commandement nouveau est le versant humain de l’alliance nouvelle et définitive, celle que Jésus va sceller, justement, par sa mort et sa glorification.

Mais le commandement de Jésus est nouveau surtout parce que désormais le modèle de notre amour sera l’amour de Jésus pour nous : « Comme je vous ai aimés, vous devez vous aussi vous aimer les uns les autres ».

Et comment Jésus a-t-il aimé ses disciples ? L’Évangile de Jean nous répond en trois affirmations :

  • Jésus a aimé ses disciples parce que le Père les lui a donnés : « ils étaient tiens, et tu me les a donnés » ; « je prie pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi » ; « tu les as aimés comme tu m’as aimé » (17,6.9.23).
  • Jésus a aimé jusqu’à l’extrême chacun des siens qui étaient dans le monde, jusqu’à l’extrême de la compréhension, de la compassion, de la patience, jusqu’à l’extrême de l’humilité et du service, puisqu’il s’est agenouillé devant eux pour leur laver les pieds, lui le Maître et le Seigneur.
  • Enfin Jésus pasteur a donné sa vie pour son troupeau, pour que ses brebis aient la vie en abondance, et chacun de nous peut faire sienne la conviction qui bouleversait saint Paul : « Il m’a aimé et s’est livré pour moi ».

Aimer comme Jésus a aimé :

  • Ce sera aimer le frère, la sœur, l’époux, l’épouse ou l’enfant, comme le cadeau que Dieu nous a fait et nous fait tous les jours, comme celui ou celle que le Père lui-même nous a donné(e) à aimer ;
  • Ce sera aimer, à notre tour, jusqu’à l’extrême du service, du pardon et de l’espérance ; non pas pour annexer l’autre à notre projet, à notre plaisir, à notre bonheur, non pas pour ramener à nous l’amour ou l’amitié que nous donnons, mais en prenant l’autre en charge jusque dans ses misères, ses lassitudes et ses pesanteurs ;
  • Enfin ce sera accepter de passer tout entiers dans le dévouement, dans la fidélité, dans la gratuité que nous donnerons aux autres ; ce sera aimer d’un amour réaliste, qui sache laver les pieds et se livrer au jour le jour.

Puisque Dieu a manifesté d’une manière toute nouvelle son amour pour les hommes dans la passion glorifiante de Jésus, puisque Dieu a inauguré, dans la nouvelle alliance, une intimité nouvelle avec les hommes, ceux-ci vont inaugurer entre eux une attitude fraternelle d’un type tout nouveau, et c’est cela, le commandement de Jésus.

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

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